Mal du pays ?

Publié le par Arkalys

Compte-rendu de lecture achevé, rendu à la prof, exposé et discuté, j’ai enfin un peu de temps pour l’article sur lequel je veux me pencher depuis une semaine. Depuis qu’une question est revenue, plusieurs fois, par hasard, au fil de la discussion, avec des amis d’ici ou d’Alsace, ou des étrangers comme moi. Parfois posée différemment, c’était quelque chose du genre « et ça va, pas trop le mal du pays ? »

Après trois mois d’expatriation, c’est vrai que j’avais pas encore abordé le sujet. C’est peut-être le moment. Il s’est écoulé pas mal de temps pour dresser un premier bilan.
Dans l’ensemble, il est assez positif. Je me suis pas mal adapté à la vie montréalaise. J’ai trouvé un rythme assez satisfaisant, que ce soit pour les cours, les loisirs ou la vie quotidienne. Ceci dit, j’ai quand même des lessives et du repassage en retard. Mais rien de catastrophique. J’arrive à me discipliner pour travailler, même si la quantité de travail fourni reste inversement proportionnelle au délai qui me sépare de l’échéance. Je pense que c’est le cas de la grande majorité des étudiants.
Je commence à prendre mes repères, tant au niveau des marques des produits dans les épiceries que des bières québécoises dans les bars. Je circule sans aucun problème grâce au métro, que j’apprécie beaucoup, mais j’haïs (oui, les Québécois disent « Jahi »  au lieu de « je hais ») le réseau d’autobus qui n’indique presque pas où sont les arrêts, et quel est le prochain. C’est vraiment coton pour ceux qui connaissent pas bien la ligne sur laquelle ils voyagent. Exemple : moi quand je suis allé acheter mon manteau d’hiver. A peine prend-je le 64 qui raccourcit mon temps de marche du métro à chez moi, à une seule condition, une règle que je me suis fixée, et à laquelle je me suis jusque là tenu, c’est qu’il soit déjà à l’arrêt quand je sors du métro. Je le prend pas dans l’autre sens, par flemme, parce que, sens uniques obligent, pour aller à Côte-Vertu (ma station), l’arrêt est plus loin, et que marcher dix minutes n’a jamais tué personne. Je changerai peut-être d’avis quand il fera – 30°C.
La vie en colloc’ se passe bien, et si j’avais quelques appréhensions au début, je ne regrette définitivement pas ce choix. On fonctionne tous les trois à peu près pareil, à vivre plutôt dans notre coin, malgré quelques sorties ensemble, surtout avec Philippe-Olivier, mon voisin de chambre WoWiste. Ce dernier me fait d’ailleurs généreusement profiter de sa voiture lorsqu’il s’agit de faire l’épicerie. Faut dire que lui et moi mangeant et buvant à peu près la même chose, on partage les frais et la bouffe, c’est plus simple et plus économique pour les produits comme le beurre, l’huile, la bière ou le lait. Parfois, je cuisine pour nous deux. Ma spécialité : le poulet au curry et à l’ananas (recette approximative sur demande) dont il est fan, et que je fais à peu près toutes les deux semaines, une fois par courses en fait.
Ma vie sociale est loin d’être inexistante, également. Je me suis fait de bons potes dans mon cours d’anglais, je sors parfois avec mon colloc’ et ses potes ou avec Edo, beaucoup plus régulièrement avec Déréglé Temporel et mes amis rôlistes. Et je risque encore de rencontrer de nouvelles têtes, et de sympathiser avec d’autres gens.
Contrairement à certaines personnes rencontrées ici, je ne ressens pas le besoin impératif et urgent de rentrer. Savoir que ça arrivera dans quelques mois me suffit, pour l’instant.


Ceci dit, de là à dire que rien ne me manque, c’est sans doute aller vite en besogne. J’ai parfois envie d’Alsace. Pour son climat, son paysage, ses ambiances, pour son environnement familier, surtout. Envie de France en général ? C’est plus rare, et quand ça arrive, c’est surtout pour des raisons de commodités en ce qui concerne le fonctionnement des services et des institutions.
Envie d’une ballade dans le vignoble, d’une virée à Strasbourg, d’une tarte flambée au Gambrinus et un peu plus régulièrement, de voir la famille, ou de passer une soirée dans la cave à Boris, ou dans tout autre lieu accueillant ! Car oui, c’est essentiellement les amis et la famille qui me manquent. Parfois pour des motifs strictement personnels, sans aucun autre élément déclencheur qu’une pensée dont vous seul êtes à l’origine. Envie d’une discussion qu’on aurait peine à tenir avec des amis rencontré de fraîche date, si sympas fussent-ils, mais dont on sait qu’avec des amis d’enfance, elle serait à l’origine de nombre de fou-rires et autres jeux de mots, agrémentée d’anecdotes communes qu’on avait presque oubliées, Envie de voir la famille, ces gens qui nous ont vu grandir ou qu’on a vu grandir, de jouer avec les plus jeunes, de rigoler avec ceux de mon âge, de discuter avec les adultes. Envie de voir ceux qu’on voyait très souvent, dont la présence était habituelle, et que, d’un seul coup, on ne voit plus pendant plusieurs mois.
Parfois, coup de blues ou petite nostalgie à cause d’un truc qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique, un évènement auquel on aurait sans doute été convié, et auquel on se serait précipité si on avait pu être présent. Petit soupir à la vue d’un rendez-vous fixé par Boris dans son pseudo MSN. Envie d’être sur le vieux continent quand au détour d’une discussion, votre interlocuteur évoque une fête passée, où vous avez du louper pas mal de moments mémorables. Un peu envieux aussi quand sur Skype, les parents ou la frangine vous racontent une journée à laquelle vous auriez sans doute participé si vous aviez été là. Finalement, le mal du pays est plutôt un mal des gens du pays.
Je pense que c’aurait été pire si Emilie était restée en France. Là, une partie de mon mal du pays s’est transformé en mal de la Caroline du Sud, où paradoxalement j’ai encore jamais mis les pieds (mais ça ne durera pas)!

L’idéal aurait évidemment été d’avoir les deux, les amis de longue date et la famille conjugués au nouvel environnement québécois et aux nouvelles connaissances. Mais la téléportation n’étant pas tout à fait au point, et les vols transatlantiques malheureusement encore très chers, je pense que c’est demander l’impossible. D’autre part, l’expérience aurait sans doute été faussée avec la reproduction d’une partie de l’environnement familier. Moins de marques à prendre, moins d’ouverture sur le monde. L’expatriation est formatrice, et fait voir d’un œil plus critique certaines choses, tant dans le pays d’accueil que dans le pays d’origine. Je sais d’ores et déjà que la bibliothèque de l’Université de Montréal va terriblement me manquer. Et que je retrouverai avec plaisir des prix indiqués toutes taxes comprises, par exemple, pour que je sache exactement ce que je vais payer !
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